Voici l’interview avec Dr Garcia, vétérinaire spécialiste et passionné des produits de la ruche. Il nous les présente avec leurs applications en soin vétérinaire. Il nous donne aussi un aperçu de la situation de la filière en France, notamment au niveau de son usage médical.
Sommaire
00:00 Présentation du Dr. Philippe Garcia
05:25 Champs d’application
10:43 Miel de Manuka
12:04 Recettes
17:58 Contrindications – allergies
22:30 Propomiel (plaie et otite)
30:08 Environnement et importance de la valorisation des produits de la ruche
41:05 Où se former? AFA (Association Francophone d’Apithérapie)
44:23 Livres à conseiller
45:50 Le mot de la fin
Présentation du Dr Philippe Garcia, vétériniaire apithérapeute
Isabelle : Bonjour Dr Garcia, merci d’avoir accepté cet interview. Lorsque l’on recherche des informations au sujet des produits de la ruche appliqués aux animaux, il y a deux spécialistes français qui ressortent : Emeline chopin, qui a écrit sa thèse il y a quelques années sur le sujet et il y a vous, Dr Garcia. Ce qui ressort c’est que vous avez une expérience clinique du sujet, ce n’est pas juste de la théorie.
Pouvez-vous nous dire depuis combien de temps vous utilisez l’apithérapie et comment vous y êtes arrivé ?
Dr Philippe Garcia :Je me suis intéressé à l’apithérapie en 2012, de façon assez fortuite, en discutant avec un apiculteur qui m’a dit que le miel était un produit très efficace sur les plaies.
Cela m’a interpelé et le week-end suivant j’étais de garde et j’ai eu un chat qui avait une plaie autour du cou suite à un collier trop serré et je me suis dit « tiens je vais essayer » et j’ai eu un résultat extraordinaire ! J’ai essayé de façon objective, c’est à dire que j’ai pris des photos avant /après, et je n’ai jamais eu un tel résultat sur une plaie.
Ça m’a donc titillé et je me suis penché sur le sujet. J’ai fait un petit peu de recherche bibliographique, suis tombé sur le site de l’Association Francophone d’Apithérapie (AFA) qui organisait une formation du médical (pour les professionnels du médical) le mois qui suivait.
Je me suis inscrit, cela m’a permis de rencontrer des gens très intéressants. J’ai donc continué à soigner des animaux avec les produits de la ruche, avec pas mal de difficultés pour trouver des produits de qualité.
En échangeant avec les gens de l’AFA, j’ai pu me procurer des produits de qualité, affiné mes protocoles, et j’ai continué à me former. Je suis devenu un membre actif de l’association francophone d’apithérapie puisque j’en suis maintenant le vice président.
Je suis chaque jour émerveillé par les résultats que j’obtiens, et interpelé aussi bien sûr !
C’est étonnant que ça ne fasse pas plus de bruit parce que, même chez l’homme les résultats sont assez extraordinaires. Au niveau international, j’ai participé à pas mal de conférences, on a formé un groupe de vétérinaires à travers le monde et maintenant je suis aussi membre du comité vétérinaire d’apithérapie d’Apimondia, l’association mondiale des apiculteurs.
Isabelle : Comment l’apithérapie est-elle perçue par vos collègues dans le milieu vétérinaire ?
Dr Philippe Garcia : C’est un peu mitigé, les vétérinaires dans l’ensemble sont assez intéressés aux produits naturels. Ils ont pris conscience qu’on avait besoin de trouver des alternatives aux traitements antibiotiques. Je trouve qu’on est plus réactif que nos confrères humains qui sont un peu plus resserrés dans un carcan légal pour utiliser les produits et nous avons un autre impératif, impératif économique et parfois les produits de la ruche sont moins chers en traitement que les produits (pour les ) humains.
Isabelle : Quand vous avez une consultation, proposez-vous à la personne de choisir entre les produits de la ruche ou la méthode conventionnelle ?
Dr Philippe Garcia : Ça dépend un peu des cas, en fait pour les plaies, maintenant, j’ai converti tous mes confrères pour l’utilisation du miel sur les plaies. Pour moi personnellement je n’utilise pratiquement plus d’autres techniques pour traiter les plaies.
Pour les autres problèmes pathologiques, ça dépend du problème et souvent, soit les gens sont très sensibilisés au fait d’utiliser des produits naturels, soit ce sont des gens qui ont déjà vu beaucoup de vétérinaires, qui ont fait une errance médicale, et qui atterrissent là. Et donc je leur propose autre chose que ce qui leur a été proposé jusqu’à maintenant et parfois avec succès. Parfois pas, mais parfois avec succès.
Champs d’application vétérinaire des bienfaits de la ruche
Isabelle : Plus on lit sur le sujet plus on a l’impression que le miel et la propolis, entre autres, sont une vraie panacée. Pouvez-vous nous dire les remèdes principaux que vous utilisez dans votre pratique ?
Dr Philippe Garcia : La difficulté majeure c’est la disponibilité des produits de qualité, testés, sourcés. Les principaux produits utilisés sont le miel et la propolis.
J’utilise principalement le miel et la propolis.
En fait dans une ruche, vous avez globalement 6 produits : 3 produits qui sont transformés et 3 produits qui sont sécrétés. Les produits transformés sont le miel, le pollen et la propolis. Les produits sécrétés sont la gelée royale, le venin et la cire.
Avec ça, les abeilles ont quasiment tout. Elles soignent avec leurs remèdes tous leurs maux… elles ont inventé des techniques de stérilisation de la ruche, elles ont inventé des antiviraux, des antibactériens, des anti inflammatoires. En fait elles sont à la base de ce qu’essaie de faire l’homme aujourd’hui, c’est à dire l’aliment santé qui va empêcher les maladies d’apparaître, globalement c’est ça.
L’importance de la qualité des produits de la ruche
LA GELÉE ROYALE
Pour nous en tant que praticiens, en théorie on pourrait tout utiliser, sauf que la gelée royale est un produit assez coûteux et d’une conservation assez fragile si on veut l’utiliser, avec une date de péremption courte. Même s’il semblerait que la gelée royale lyophilisée ait des activités similaires, il faut trouver des gens qui arrivent à la transformer en France. En Europe de l’Est c’est déjà fait, mais pas en France.
Beaucoup de gelée royale que l’on trouve sont d’origine chinoise dont on ne connaît pas la qualité et souvent c’est une qualité qui laisse à désirer, ce sont des produits qui ont été congelés, décongelés, recongelés, on peut se poser la question de leur efficacité réelle.
Il y a les groupements de producteurs français de gelée royale qui font des produits de qualité avec un cahier des charges, mais ce n’est pas disponible partout, il faut faire un gros travail de recherche pour trouver de la gelée royale disponible.
LE VENIN
(Crédit image : USGS Bee Inventory and Monitoring Lab from Beltsville, Maryland, USA, Public domain, via Wikimedia Commons)
Le venin d’abeille, il y a deux techniques pour l’utiliser, soit on utilise l’abeille elle même, soit on utilise du venin récolté. Là c’est pareil, les gens spécialistes du venin avec des techniques correctes, il faut le faire venir de Hongrie. Ce n’est pas trop légal. Sinon il faut utiliser des abeilles pour piquer, « l’apipuncture » ça donne des résultats intéressants.
LA CIRE
La cire là pareil, il faut trouver de la cire de qualité. Ce n’est pas trop utilisé comme principe actif mais plutôt comme excipient pour mélanger les produits actifs.
LA PROPOLIS
La propolis, là aussi vous trouvez tout et n’importe quoi sur le marché. Il faut des critères de concentration, d’origine, et de dosage des résidus.
LE MIEL ET LE POLLEN
Le miel c’est un petit peu pareil. Et le pollen frais, à l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul fabricant français qui le commercialise. L’entreprise a été rachetée plusieurs fois et les critères de qualité ne sont pas forcément au rendez-vous à l’heure actuelle.
Après il faut se méfier quand vous achetez des produits de la ruche parce qu’aujourd’hui il n’y a pas de critères de qualité bien établis. La plupart des apiculteurs qui transforment eux mêmes leurs produits, au moins pour la propolis, ont une méconnaissance des critères de qualité, des concentrations etc. Ils peuvent faire des produits de haute qualité mais en fait comme ils ne font pas de dosages, ils ne savent pas ce qu’ils vendent et souvent ils la vendent de façon illégale, par méconnaissance de la législation.
Le cas du miel de manuka
Pour le miel, on peut évoquer le miel de manuka qui fait un buzz terrible. Les gens focalisent sur le miel de manuka alors qu’en fait ce n’est pas un miel qui est meilleur que les autres. C’est un miel qui a bénéficié du soutien du gouvernement avec une grosse campagne marketing. Ce qui fait qu’à l’heure actuelle la Nouvelle Zélande exporte plus de miel de manuka qu’elle n’en produit. Donc là aussi on peut se poser des questions sur la qualité des produits…
Et ensuite quand on compare les activités antibactériennes des différents miels, le miel de thym, de châtaignier etc. ont des activités antibactériennes qui sont similaires au miel de manuka sur au moins certains germes, donc ça ne sert à rien de faire traverser la planète à un miel qui n’est pas meilleur que les autres.
En plus, si on analyse finement la composition du miel, ce qui fait son pouvoir anti bactérien, il y a quand même des possibilités de toxicité liées à ces molécules qui sont présentes dans le miel de manuka. Là aussi il faut faire très attention à ce que l’on utilise, comme pour tout médicament .
Avant d’utiliser les produits de la ruche, se poser les bonnes questions
Isabelle: Pour les propriétaires de chiens ou de chats, quelles recettes peuvent ils utiliser à la maison et pour quelles applications ?
Dr Philippe Garcia : Je n’aime pas trop le terme de recettes. En fait les propriétaires de chiens et de chats ne risquent rien à utiliser du miel sur les plaies, ne risquent absolument rien. Vous serez d’ailleurs surpris de l’efficacité.
Il faut prendre du miel de qualité bien sûr, soit un miel d’apiculteur, soit un miel tracé. Éviter les miels de grandes marques bien connues sur le marché, qui sont des mélanges de miels chinois et d’Amérique du sud.
Donc plutôt un miel d’apiculteur de l’année qui a précédé pour qu’il ait le maximum de principes actifs encore efficaces.
Sur les plaies vous ne risquez pratiquement rien.
Après il faut essayer d’échanger avec son vétérinaire et voir ce qu’ils (les propriétaires d’animaux de compagnie) peuvent donner en fonction de la pathologie que présente l’animal. Que ce soit pour l’apithérapie ou un autre complément naturel s’ils veulent utiliser un complément naturel, il faut qu’ils gardent à l’esprit : « quel est le but (recherché)? »
Si c’est pour :
- du bien-être,
- pour accompagner un traitement,
- ou si c’est pour soigner vraiment et de façon unique avec des produits naturels? Auquel cas, il faut garder à l’esprit un minimum d’humilité. Il ne faut pas qu’ils se focalisent sur une pathologie qu’ils ne maîtrisent pas et qu’ils essaient de soigner quelque chose qui risque de dégénérer ensuite. C’est plutôt la réserve que j’émets d’emblée, ceci quelle que soit la médecine naturelle qui va être utilisée.
Applications et « recettes » des produits de la ruche
CURES DE POLLEN ET DE GELÉE ROYALE
Ensuite sur des petites bobos, ou des petits tracas de tous les jours ou des compléments alimentaires, vous pouvez y aller. On part du principe que l’animal est sain à la base et qu’on veut l’aider à rester en bonne santé. Auquel cas des cures de pollen frais par exemple peuvent être intéressantes,
Sur un animal vieillissant, à condition qu’il n’ait pas de tumeurs hormonaux dépendantes, on peut faire des cures de gelée royale sans problème ; pour la gelée royale c’est un des rares produits qui a une contre indications en apithérapie c’est un booster immunitaire et hormonal. Si vous avez une tumeur qui est une tumeur mammaire chez la chienne, il faut surtout éviter la gelée royale parce que sinon vous allez booster également la tumeur et donc vous avez un risque majeur d’aggravation de la tumeur.
(Crédit photo : Wiki Commons, Waugsberg (Talk/contribs) -Deux cellules royales, montrant des larves d’abeilles européenes dans de la gelée royale)
PETITS TRACAS DIGESTIFS
Après il y a les petits tracas digestifs, et la propolis est intéressante. Le pollen aussi car cela a un effet probiotique et prébiotique très important et très intéressant.
Le pollen a un effet probiotique et prébiotique.
Isabelle : Quelles sont les conditions d’utilisation pour les petits tracas digestifs ?
Dr Philippe Garcia : Pour le pollen, il faut utiliser du pollen frais surgelé, par voie orale mélangée à de la nourriture, très facile à donner, mais pas très appétant pour l’homme, encore que certains pollens aient un goût très agréable. Mais vous pouvez très bien le mélanger à la nourriture classique de l’animal pas de problème.
Pour la propolis il existe une forme, pas toujours disponible, qui est une forme de propolis concentrée en principes actifs, qui est en poudre et se donne en gélules. Alors là aussi très facile, il suffit de trouver les gélules adaptées à la taille de l’animal. Bon, c’est peut-être un petit peu plus compliqué (à trouver), je les fabrique pour que ce soit faisable sur les chats ou sur les petits chiens. (Note d’Isabelle : les vétérinaires ont l’autorisation de reconditionner les produits).
Isabelle : et sous forme d ‘extraits de propolis?
Dr Garcia : Alors sous forme d’extrait hydroalcoolique, c’est un peu plus compliqué car ça contient de l’alcool. Quand vous donnez un extrait hydroalcoolique à un chat vous avez immédiatement une salivation très, très intense qui se produit. Il ne supporte pas très bien, ce n’est pas très agréable pour lui, vous allez réussir une fois mais pas deux.
C’est un des aspects d’études et de recherches que l’on fait au sein de l’Association Francophone d’Apithérapie, de faire en sorte que les produits soient transformés dans une forme galénique adaptée à l’usage que l’on veut en faire et que cette forme reste efficace et c’est plus difficile. Si vous regardez les publicités que l’on voit maintenant, vous avez des tas de produits qui sont à base de miel, de propolis, mais on n’a aucune idée de la façon dont c’est transformé. Y compris chez l’homme d’ailleurs, avec des laboratoires qui peuvent avoir une certaine « aura »…
Les contre-indications des produits de la ruche pour l’usage vétérinaire
Isabelle : y a t’il des contre indications, par exemple des risques d’allergies ou alors le taux de glucose pour les chiens ou les chats ou des limites d’utilisation ?
Les allergies
Dr Philippe Garcia : Les contre indications sont bien sûr les allergies aux produits de la ruche, qui sont assez peu décrites chez le chien et le chat.
Pour ce qui est du miel et du pollen, c’est plutôt la contamination par des pollens allergisants qui va générer des allergies, que le produit de la ruche lui-même.
Pour la propolis, une allergie à la propolis est décrite chez les apiculteurs, mais plutôt à la propolis brute qui est extraite directement de la ruche et c’est une allergie de contact. Et c’est plutôt les contaminants qui sont extraits enfin qui sont éliminés avec la transformation de la propolis (qui sont allergisants). Dans les extraits hydroalcooliques, vous ne les avez plus, donc normalement un extrait hydroacoolique est beaucoup moins allergisant que la propolis brute.
Pour le venin, c’est une allergie bien connue. Pour les cires, à ma connaissance il n’y a pas d’allergie connue. La gelée royale non plus.
La toxicité
Après en toxicité, ça va dépendre. Avec le venin, si vous vous faites piquer ou utilisez des doses excessives, vous pouvez avoir une toxicité relativement importante, et pour la propolis vous pouvez avoir, à partir d’une certaine dose, des effets un petit peu délétères sur certains organes comme les reins etc. On peut avoir une insuffisance rénale qui se déclare mais il faut avoir des doses assez conséquentes et sur du long terme.
Le miel est composé de glucose et fructose. Pour les chiens diabétiques, préférez un miel riche en fructose car il interférera moins sur sa glycémie. Le miel d’acacia est conseillé.
Par contre, pour l’application sur une plaie, la teneur en glucose ou fructose importe peu.
Dosages de la propolis
Isabelle : Pour la propolis par exemple, quels sont les dosages ?
Dr Philippe Garcia : Tout dépend de la forme. Quand je transforme ma propolis en poudre, je transforme en gélules de 50 mg de propolis transformée qui correspond à peu près à 15mg de polyphénols. C’est à peu près un quart de polyphénols dans la gélule. Donc en fait, en théorie, quand vous avez une gélule qui vous est présentée, ce n’est pas 50mg de propolis mais c’est 12 ou 15 mg de polyphénols qu’il faudrait avoir à l’esprit pour avoir une dose correcte et en fonction de l’effet que vous voulez obtenir.
Vous allez donner une dose plus ou moins importante qui peut aller jusqu’à 6 à 9 gélules par jour pour des problèmes de cancer par exemple. Pour des problèmes bactériens ou infectieux sur un chat (note d’Isabelle : ou un petit chien) vous donnez une gélule matin, midi et soir par exemple.
La problématique majeure à l’heure actuelle c’est que la plupart des études scientifiques sont faites in vitro, elles ne sont pas toujours comparables entre elles, parce qu’on n’a pas toujours les mêmes façons de tester les produits ou de décrire les produits. Ensuite il faudrait lancer des études de biodisponibilité pour être certain de l’absorption de la propolis chez les différents animaux et ça pour l’instant c’est inconnu c’est plus un consensus et des habitudes de prescriptions qu’une réalité scientifique. Donc si vous trouvez des mécènes qui financent des études, on a plein de sujets d’études !
Isabelle : Bon on lance la demande, j’espère que quelqu’un entendra !
Dr Philippe Garcia : On a plein plein de sujets d’études, plein de trucs à faire qui sont très intéressants.
Le propomiel
Isabelle : Et le propomiel ? J’ai vu dans une de vos présentations que vous utilisez le propomiel.
Dr Philippe Garcia : Le mélange de différents produits de la ruche potentialise les effets de chacun, c’est quelque chose de bien connu en phytothérapie par exemple, le tout est plus que la somme des parties.
Il y a deux intérêts à utiliser du propomiel :
- Le premier, vous rendez la propolis en extrait hydroalcoolique plus facilement utilisable puisqu’elle va rester dans un excipient pommade qu’est le miel, qui lui-même a des vertus.
- Et ensuite vous renforcez les capacités anti inflammatoires et anti bactériennes du miel par les propriétés propres de la propolis.
Chez le cheval, j’utilise aussi, parce que chez le cheval vous avez une particularité, c’est une espèce qui fait des hyper granulations très facilement sur les plaies des membres et il semblerait qu’on ait moins de cet effet d’hyper granulation.
Après il y a aussi un autre intérêt, la propolis a un peu plus un effet plus anesthésique local. Voilà, après il y a des tas d’autres recettes qui peuvent être utilisées.
Traiter une plaie avec le miel ou le propomiel
Isabelle : Et par exemple sur une plaie, faut-il enlever les poils ? Comment applique-t-on le miel ou le propomiel?
Dr Garcia : A l’occasion je pourrais vous faire une présentation de ce que j’utilise sur les plaies. Les règles de bases sont les mêmes quelle que soit la façon dont vous décidez de traiter la plaie.
Il faut d’abord nettoyer, tondre pour les animaux qui sont très poilus, enlever toutes les saletés en rinçant avec du sérum physiologique. Et c’est à partir de ce moment là que vous allez utiliser le produit thérapeutique quel qu’il soit.
Donc quand vous utilisez du miel, vous l’appliquez directement sur une plaie nettoyée, autant que faire ce peut , maintenant quand vous avez des plaies qui sont très, très, très souillées, vous ne pouvez pas les nettoyer au départ entièrement. Quand vous mettez le miel et comme c’est un produit très absorbant, ça va favoriser l’élimination des produits nécrosés et des saletés etc., donc simplement là il faut changer de pansement assez souvent pour pouvoir avoir une plaie propre assez rapidement.
Le propomiel pour les otites
Isabelle : Pour les cas d’otite pour le chien, qu’est ce qu’on peut utiliser avec les produits de la ruche ?
Dr Philippe Garcia : J’utilise du propomiel. Alors les otites c’est un peu particulier je pense, là il faut être certain et ce n’est pas bon de faire de l’automédication dans ces cas là. J’ai soigné des otites avec germes multi résistants aux antibiotiques, avec succès, ça c’est intéressant.
Il faut toujours s’intéresser à la cause sous-jacente, et c’est mieux de le faire en collaboration avec son vétérinaire. Les principales difficultés que j’ai rencontrées c’est que le produit colle aux poils, c’est désagréable, donc il faut le rincer à l’eau chaude, il faut le diluer un petit peu, mais sinon c’est assez surprenant, ça marche très bien.
Isabelle : Et combien mettez vous de % de propolis par rapport au miel ?
Dr Garcia : Il faut que ça reste un peu pâteux pour que ça reste dans l’oreille, donc entre 3 et 5 %. Je suis allé jusqu’à 10 mais après ça fait un produit un peu trop liquide.
Propomiel : Miel + 3 à 5% d’extrait hydroalcoolique de propolis (diluer avec de l’eau chaude si trop collant)
Bon j’ai eu 2 cas de réaction d’érythème sur le pavillon chez certains chiens, mais c’était des otites un peu particulières sur des chiens déjà allergiques.
Importance de la qualité des produits de la ruche
Isabelle : Vous nous dites que c’est important de choisir des produits de qualité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le choix de sélection ?
Dr Garcia : Alors au sein de l’Association Francophone d’Apithérapie, on a lancé un gros travail, qu’on reprend, qu’on met de temps en temps en suspend, (puis) qu’on reprend car c’est vraiment un très, très un gros travail. On essaie de mettre en place un label de qualité produit de la ruche à visée apithérapeutique pour décrire en fonction des propriétés qui sont avancées ce qu’il faut avoir comme propriétés.
Car n’importe qui aujourd’hui peut dire « mon miel est cicatrisant », par contre on ne va pas avoir de données sur la conservation, la production du miel, le fait que ce soit exempt de pesticide etc. si ce n’est les critères qui sont demandés pour l’alimentation. Donc on essaie de mettre en place ce label de qualité, qui s’appelle « apical » mais c’est un gros travail et comme on a tous un travail par ailleurs dans notre vie professionnelle de tous les jours.
Il ne faut pas hésiter à discuter avec l’apiculteur pour voir ce qu’il vend, ou avec le revendeur pour voir s’il connaît ce qu’il vend et vous vous rendrez compte que même des magasins bio ne savent absolument pas l’origine de leurs produits.
En ce qui concerne la qualité des produits de la ruche, il faut garder un sens critique.
Il faut garder un sens critique : si c’est un produit d’origine chinoise ou d’origine inconnue vous oubliez. Si ce sont des mélanges de miels, vous oubliez. Idéalement il faudrait avoir pour la propolis des concentrations en polyphénols, ce qui n’est jamais donné, très rarement en fait.
Et méfiez vous aussi des produits bio qui ne sont pas forcément dénués de toxicité pour certains aussi, notamment pour un des fabricants de propolis très présents sur tout le territoire national, qui communique beaucoup. Ils sont de très, très bons communicants mais ils ont des produits qui sont toxiques ! Ça laisse perplexe, mais aujourd’hui il n’y a pas de critères de qualité ; bon j’essaierai de vous conseiller un fabricant que vous pourrez mettre sur votre site web ; c’est ça qui est difficile en fait…
Environnement et importance de la valorisation des produits de la ruche
Isabelle : Là nous allons parler plus environnement. On entend parler du déclin des ruches dû aux pesticides et aux parasites. Est ce que si l’on puise plus dans les ressources, est ce que ça ne risque pas d’affaiblir encore plus les ruches ?
Dr Garcia : Alors pas vraiment, en fait. Quand je me suis intéressé à l’apithérapie, j’ai voulu comprendre comment les abeilles fabriquaient les produits, donc j’ai fait un DIE (Diplôme Inter Ecoles) de pathologie apicole et d’apiculture à l’école de Nantes. Et là j’ai découvert la filière apicole, et la filière apicole est orientée pratiquement uniquement sur la production de miel de bouche, c’est à dire qui sert à l’alimentation humaine.
Lorsque vous discutez avec eux, beaucoup d’apiculteurs ne diversifient pas, ils font soit du miel soit de la pollinisation et c’est tout. Quelques apiculteurs font de la gelée royale, et ils ne cherchent pas du tout à produire autre chose.
Si vous comparez la filière apicole aux autres filières animales, comme les vaches laitières par exemple, en fait il y a une course à la production qui est liée à la concurrence des autres pays du monde. Les apiculteurs sont obligés d’augmenter leur nombre de ruches parce que justement il y a une baisse de production par ruche puisque les abeilles ne trouvent plus de ressources alimentaires suffisantes.
Les apiculteurs sont obligés d’augmenter leur nombre de ruches pour produire toujours plus et à moindre coût , donc en fait c’est un cercle infernal, ils travaillent de plus en plus avec un revenu qui est de plus en plus faible.
Si on développe une filière apithérapie médicale, on va avoir besoin de produits de très haute qualité qui, du coup, vont être beaucoup plus valorisés d’un point de vue financier pour l’apiculteur. Avec moins de ruches il va avoir un revenu largement supérieur pour une charge de travail qui ne va pas être forcément supérieure voire même moins importante. De ce côté là on va mieux soigner les ruches.
Si on prend l’exemple de la nouvelle Zélande, il y a un tel engouement pour le miel de manuka. Ils plantent du manuka partout, ils ont développé des formations pour des apiculteurs, pour faciliter l’installation des apiculteurs. Il y a des ruches de partout en Nouvelle Zélande et au contraire ça booste la filière apicole et ça booste l’environnement puisqu’on a besoin pour avoir des produits de qualité d’avoir un environnement protégé.
Pour la propolis par exemple il faut des peupliers, des champs de peupliers, qui soient éloignés des sources de pesticides. Si les produits peuvent être valorisés de façon importante pour l’apiculteur, l’agriculteur qui est autour va se dire « tiens, peut-être que je vais arrêter de faire des pesticides et que je vais installer des ruches et planter des peupliers pour pouvoir produire des produits de très haute qualité ».
Après c’est une réflexion que nous avons eue. Si en fait les gens nous suivaient entièrement sur l’utilisation des produits de la ruche, soit pour l’homme, soit pour l’espèce animale, en fait si demain ils décident d’utiliser sur des petits problèmes infectieux de la propolis plutôt que des antibiotiques, alors effectivement l’ensemble des ruches mondiales ne suffiraient pas à produire la quantité de propolis nécessaire. Donc il ne faut pas aller trop vite, mais c’est une réflexion à avoir à terme si les restrictions de prescriptions d’antibiotiques continuent, il faudra trouver des solutions alternatives.
Isabelle : Et la filière médicale dont vous parliez tout à l’heure, est-elle en cours de développement ?
Dr Garcia : C’est pareil en médecine humaine, c’est en cours de développement. Maintenant il y a beaucoup plus de freins chez l’homme que chez les vétérinaires, parce qu’on a encore affaire à des réflexions d’un autre siècle. Il y a des gens qui ne comprennent pas et qui n’ont pas du tout la démarche scientifique qu’il faudrait avoir quand on est médecin.
Si on est confronté à une propriété qui nous est décrite plutôt que de dire « non ce n’est pas possible que ça marche », il faudrait dire, « Et si ça marchait? Je vais essayer et si ça marche je vais essayer de comprendre pourquoi ».
La démarche scientifique demande d’avoir un esprit ouvert et curieux.
C’est ce qu’avait fait le fondateur de l’Association Francophone d’Apithérapie. C’était un médecin, chirurgien viscéral. C’est le professeur Descottes, qui avait des problèmes de désunion et d’infection sur ses plaies chirurgicales à l’hôpital de Limoges et qui s’est rappelé à un moment donné que le miel était efficace sur les plaies puisque c’était beaucoup utilisé pendant la 1ère guerre mondiale.
Donc il s’est dit « je vais essayer », et il a essayé et a eu des résultats extraordinaires et il a développé ça dans son service. Comme c’était un chef de service, on l’a écouté, mais au début il a eu à faire à des tas de critiques. Mais il a prouvé par les résultats qu’il obtenait que le miel était efficace et il a expliqué pourquoi c’était efficace, avec un discours scientifique et pas un discours médecine naturelle ou autre ou ésotérique.
Il a essayé vraiment de se battre avec les mêmes armes que le corps médical et donc il a prouvé l’efficacité du miel. Il a été écouté dans pas mal de services, et maintenant ça existe dans pas mal de services où on utilise le miel sur les plaies. La contrainte majeure c’est que il faut coller aux exigences des hôpitaux donc il faut avoir un miel stérile donc il perd un peu en qualité cicatrisante et en propriétés.
Isabelle : De votre côté faites-vous des recherches et des études scientifiques pour essayer de transmettre le message ?
Dr Garcia : Je suis un petit vétérinaire praticien donc je n’ai pas les moyens de faire des études. Je les fais à mon échelle, c’est à dire que je décris ce que j’observe, j’avais fait une petite étude sur les otites du chien que j’avais présentée à Apimondia à Montréal. Ça n’a pas la prétention d’être une étude scientifique, c’est une étude observationnelle.
Ensuite j’avais essayé en France de proposer des études puisqu’il y a des budgets pour ça, notamment dans le cadre du plan national Écoantibio. Ça a été refusé. Je me suis un petit peu battu en France, c’est très courtois mais ça ne les intéresse pas !
Au Canada j’avais fait une présentation devant des professeurs de la faculté de Sainte Hyacinthe, et là j’ai eu une écoute très attentive. Du coup on a pu obtenir un budget de recherche dont les premiers résultats devraient sortir à la fin de l’année normalement si tout va bien. C’est dommage qu’en France on n’ait pas pu faire ça !
Isabelle : Au moins c’est déjà sorti quelque part, c’est déjà positif.
Dr Garcia : Oui c’est déjà positif, c’est sûr, maintenant c’est dommage (pour la France). L’apithérapie est une médecine traditionnelle en Turquie, dans les pays de l’Est et en Amérique du sud. Il y a pas mal de recherches là dessus (dans ces pays). En Turquie par exemple, ils ont ouvert une université d’apithérapie, en Slovaquie je crois qu’il y a un gros centre d’apithérapie de recherches qui va ouvrir; il y a des tas d’études partout dans le monde, et en Europe (rien), c’est dommage !
Isabelle : Oui c’est dommage vraiment, surtout qu’il y a des spécialistes en France.
Dr Garcia : Il y a des spécialistes en France. C’est la France qui crie le plus fort que les abeilles sont en danger. Plutôt que de dire : « holala je vais aider les abeilles, je vais mettre des ruches dans mon jardin », il faudrait plutôt valoriser les produits de la ruche dans une réalité économique.
Il faut valoriser les produits de la ruche pour préserver les abeilles.
De toute façon, la réalité économique médicale fait que on sera obligé, car on ne peut pas se permettre d’avoir des (produits de la ruche avec des) résidus de produits toxiques, de métaux lourds ou de pesticides, d’avoir des abeilles saines et dans un environnement de qualité, donc je pense que c’est la solution.
Où se former en apithérapie pour bien utiliser les produits de la ruche?
Isabelle : Où peut-on se former ? J’ai vu justement que l’Association Francophone d’Apithérapie, proposait des formations.
Dr Garcia : Oui, vous avez deux types de formations proposées par l’AFA :
- une formation destinée au grand public. C’est le module général. Vous allez apprendre les différents produits de la ruche et les soins familiaux.
- et un module médical pour les professionnels de santé qui est proposé.
Ce sont des modules qui peuvent bénéficier d’un financement par les centres de formation, par des organismes de formation, parce que l’association est agréée comme centre de formation.
Ensuite vous avez la deuxième promotion (pour les) naturopathes : l’apithérapie de bien-être. La session va démarrer en avril, c’est à Hyères pour ceux qui sont intéressés. Il faut suivre les différentes actualités au sein de l’association par exemple, l’Association Francophone d’Apithérapie, c’est ouvert à tout le monde.
Isabelle : Je mettrai le lien d’ailleurs (voir ci-dessus).
Dr Garcia : On essaie d’avoir un très gros noyau de scientifiques pour crédibiliser la formation. Le président est un médecin allergologue, on a un dentiste, des pharmaciens, des naturopathes, des kinés, des infirmières, des vétérinaires qui sont présents.
Il y a (aussi) des gens qui n’ont pas du tout de formations médicales. Il y a des apiculteurs aussi bien sûr, c’est très important qu’on ait un lien avec les fabricants de produits et les utilisateurs, pour que l’on parle le même langage et qu’on essaie de progresser ensemble sur les différents critères.
Isabelle : et après le public peut en parler à ses référents, le médecin ou le vétérinaire pour montrer que ça fonctionne.
Dr Garcia : Tout à fait. Normalement, après deux ans de report, vous avez un congrès à Nancy en juin sur les médecines complémentaires (vétérinaires) où on va parler d’apithérapie et il y a des tas d’autres médecines complémentaires alternatives. C’est un congrès vétérinaire destiné pour les animaux avec des présentations grand public et des présentation pour les professionnels ; c’est à Nancy et c’est le dernier week-end de juin, le 25-26 juin.
Livres sur les produits de la ruche
Isabelle : Est ce que vous avez des livres à conseiller ?
Dr Garcia : Il y a deux ouvrages de référence qui sont très intéressants, très complets et d’un abord très facile.
C’ est Le miel dans votre pharmacie d’Olivia Metral.
Et l’ouvrage de Nicolas Cardinault (« Soignez-vous avec les produits de la ruche »), président du conseil scientifique de l’AFA, sur les produits de la ruche en apithérapie.
Ce sont des ouvrages que vous pouvez commander, au moins celui de Nicolas Cardinault, à l’AFA.
Et après l’ancien président, Dr Albert Becker, a fait aussi un ouvrage (« Apithérapie pour tous ») mais qui date un peu, sur l’apithérapie.
C’est vrai que souvent ce sont des ouvrages qui sont d’un abord facile. Vous avez des recettes, pour l’homme. Des ouvrages vétérinaires il n’y en a pas, mais pour l’homme, je m’y réfère car c’est très simple et très pratique.
Message final sur l’apithérapie vétérinaire
Isabelle : Avez vous un message à faire passer auprès de notre public ?
Dr Garcia : Et bien essayez et vous verrez !
Isabelle : Mais oui, c’est le plus simple
Dr Garcia : Simple et extraordinaire, à chaque fois je suis émerveillé.
Que dans une boite de 60 cm³, on ait tout ce qu’il faut pour soigner. C’est souvent ce que je dis : En fait, on est là à dire « holala, il faut sauver les abeilles! sans nous elles ne peuvent pas vivre. »
« Essayez et vous verrez : à chaque fois je suis émerveillé. »
En fait, il faudrait qu’on prenne un peu de hauteur et qu’on regarde ce qu’elles font :
- Elles ont développé des techniques de communication qui sont extraordinaires,
- Elles ont réussi à transformer des aliments, à créer des aliments de santé avec des propriétés extraordinaires,
- En utilisant uniquement ce qu’elles ont dans leur environnement proche, et en valorisant cet environnement proche.
Ça laisse perplexe par rapport à ce qu’on fait nous !
Si vous regardez ce qui se passe dans une ruche, c’est sensationnel : une ruche va valoriser les ressources, elle va les utiliser mais elle va (aussi) les valoriser, (et) elle va faire en sorte qu’elle se développe pour que la ruche elle-même prospère.
Isabelle : En fait, c’est plutôt nous qui avons besoin des ruches.
Dr Garcia : C’est ce que dit le président d’Apimondia. En fait les abeilles n’ont pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin des abeilles.
Isabelle : Oui parce qu’on a été côte à côte durant toute l’évolution de l’homme.
Dr Garcia : Et elles étaient là avant nous! nous avons une histoire d’un million d’années à peu près, elles c’est 3 ou 4 fois plus !
Isabelle : Merci Dr Garcia d’avoir bien voulu répondre à toutes mes questions.
Dr Garcia : Merci à vous !