L’hypertype du chien et ses dérives

Santé

L’hypertype du chien, qu’est ce que c’est? Nous plongeons ici dans le monde des chiens de race, à pédigrée, pour comprendre ce phénomène qui peut potentiellement faire souffrir notre chien au quotidien. Dans cet article, mon objectif est de vous familiariser avec le sujet de l’hypertype du chien et de vous donner des pistes de recherche avec tous les liens qui vont avec, pour celles ou ceux qui souhaitent aller plus loin. ( Crédit Photos : photo de gauche (ancienne) : Evelyn Blacklock (1872–1948), Public domain, via Wikimedia Commons, photo de droite SheltieBoy, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons)

Depuis que le chien vit avec l’homme, l’homme a toujours cherché à produire des chiens plus adaptés à ses besoins. Grâce à la grande plasticité génétique (héritabilité) des chiens, on comprend comment on en est arrivé à cette palette de diversité des chiens.

A l’origine, l’objectif était un chien de travail, un chien utile. Puis peu à peu, la place du chien a évolué. Il fait maintenant partie intégrante de la famille. Il est essentiellement devenu un compagnon d’agrément et aujourd’hui, on choisit souvent un chien parce qu’on le trouve mignon.

La beauté est devenue le critère le plus recherché, et avec elle sa cohorte de superlatifs : le plus mignon, le plus remarquable, le plus petit/grand ou le look le plus redoutable, etc. Or pour obtenir un chien avec « le plus de quelque chose », on est obligé de flirter avec les extrêmes, et immanquablement les excès.

Malheureusement les excès peuvent conduire aux pathologies et on se retrouve avec des chiens qui souffrent. En jargon cynophile, il s’agit de la problématique de l’hypertype.

Pedigrée, type, hypertype et standard

Le pédigrée est la généalogie d’un animal domestique de race pure. Il donne la liste des ancêtres de ce chien et en garantit la race pure sur 5 générations. Pour les chiens de race française, ce pedigrée est consigné dans le Livre des Origines Français (LOF).

Pour comprendre le type, l’hypertype et le standard, nous allons nous aider de la figure suivante figurant dans l’article très complet « Hypertypes et standards de race chez le chien, une histoire d’équilibre » du Dr Claude Guintard et Anne marie Class publié en 2017 dans la revue Persée. 

La variabilité canine suit une courbe de Gauss avec l'hypertype et l'hypertype dans les extrêmes

Le type canin une notion de variabilite intra population – Schéma article de Guintard et Class

 

Le type est l’ensemble des caractères distinctifs communs à tous les individus composant une race. On dit du chien qu’il est « typé » ou « bien typé ».

C’est ce chien là qui représente le standard de sa race. Il regroupe toutes les caractéristiques représentatives et souhaitables pour sa race (parties en vert, les 2 couleurs de vert).

La variabilité génétique suit une courbe en forme de cloche. Au centre, il y a le chien bien typé, et aux extrêmes, nous avons d’un coté, le chien qui est hypotypé, c’est-à-dire qu’il ne possède pas assez de caractéristiques spécifiques à cette race (partie rose-violette à gauche).

Et de l’autre, nous avons le chien qui présente un hypertype, c’est-à-dire que les caractéristiques sont sur-représentées et sont excessives, voire pathologiques. (partie rose-violette à droite). A noter qu’un hypertype n’est pas forcément pathologique au départ. Il le devient à force de croiser des chiens fortement typés ou hypertypés.

Le Dr Raymond Trinquet, auteur et spécialiste bien connu dans le monde cynophile, explique que « l’hypertype est une dérive par exagération de certains traits vers des canons de beauté qui doivent beaucoup à la mode, faisant passer au second plan la notion de bonne santé et/ou le bien-être de l’animal ». « Le culte de beauté conduit à l’hypertype ».

Le chien hypertypé est donc une invention purement humaine.

J’ai trouvé 2 points qui me semblent intéressants dans ce schéma qui est libre de partage.

Premier point, et les auteurs le relèvent également :  Si les chiens hypotypés sont d’office non confirmés, il serait logique que les chiens hypertypés soient eux-aussi non confirmés. Ce jugement est laissé au libre arbitre du juge actuellement. Serait-il judicieux de l’inclure dans les règles de jugement pour éviter d’être influencé par l’esthétique extrême de l’animal qui peut avoir ses admirateurs parmi certains juges?

Deuxième point : sur le schéma, il y a les lettres AB, B, et TB. Comme il est aussi écrit Ins (insuffisant) et  Exc (excessif) de l’autre, j’en ai déduit que AB signifie Assez Bien, B signifie Bien, et TB signifie Très bien.

Si c’est le cas, alors quelque chose m’interpelle dans ce schéma. J’aurais pensé que le chien « idéal » (TB) ou archétype pour une race donnée soit celui situé totalement au centre, au sommet de la courbe, le chien bien typé idéal (vraiment placé sur la moyenne). Or je vois ici qu’il se trouve décalé sur la droite entre le chien typé « moyen » (sur la moyenne) et le chien hypertypé.

Si cette lecture du schéma est exacte, cela n’entraine-t-il pas un risque de dérive, en utilisant des hypertypes (ou trop souvent) lors des croisements pour rester dans la section la plus à droite possible?

Rester trop à la limite de l’hypertype ne risque-t-il pas de faire déplacer la courbe vers la droite au fur et à mesure des années en s’habituant aux caractéristiques excessives et en les acceptant comme nouveau standard?

Les auteurs de l’article soulignent ce risque qui apparait lorsque les éleveurs sélectionnent les extrêmes plus que le chien bien typé moyen. Ils insistent sur le caractère insidieux de la progression vers la pathologie. Cela se fait sur plusieurs générations (4 ou 5) , donc on s’habitue à voir un chien aux traits de plus en plus prononcés. Du coup la demande pour ces caractères extratypés augmente. Seulement à force de flirter avec les extrêmes génétiquement, cela conduit à des pathologies qui affectent le bien-être et la santé des chiens produits. Par exemple, à force de réduire la longueur du nez du carlin, on est arrivé à des petits toutous qui ne peuvent plus respirer correctement.

Qui est responsable de l’hypertype pathologique du chien?

Toute la filière cynophile tient sa part de responsabilité mais aujourd’hui elle prend cette problématique très au sérieux.

Il y a d’autres co-responsables. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’hypertype existe parce qu’une demande pour ce look de chien aux traits prononcés existe. Donc le public (qui devient propriétaire), et les médias (publicité, stars qui se photographient avec leur chien) et réseaux sociaux qui influencent le public ont leur rôle à jouer pour cesser cette demande.

Je pense aussi que cette demande existe parce que le public ignore les risques encourus par les chiens hypertypés. Quel propriétaire de chien souhaite que son chien ait des problèmes de peau à cause des plis exagérés ou qu’il ait une durée de vie écourtée en raison de sa très grande taille? Ce sont 2 exemples parmi de nombreuses pathologies générées par la création d’hypertypes.

Un public informé est le meilleur défenseur des animaux.

Les médias et les réseaux sociaux peuvent quant à eux « pécher » par ignorance et/ou indifférence. Ils utilisent ce qui est vendeur mais en même temps, ils influencent ce qui va être vendeur. Vendre oui, mais pas à n’importe quel prix.

Les chiens miniatures sont sujets aux fractures et luxations. Les races géantes et miniatures sont sujets aux problèmes articulaires (dysplasie, etc.)

Les chiens miniatures sont sujets aux fractures et luxations. Les races géantes et miniatures sont sujets aux problèmes articulaires (dysplasie, etc.)

La chasse aux hypertypes

Dans ce chapitre, nous allons voir tous les efforts fournis par chacun des acteurs du monde cynophile pour éviter les dérives de l’hypertype.

 Les juges et les clubs canins

Le standard est sensé décrire le chien idéal pour une race donnée. Et le chien bien typé se rapproche de ce modèle idéal. Le standard d’une race ne doit ni être trop rigide car il empêche la diversité, ni trop flou car il encourage les dérives. Il pose le cadre et il permet de jouer sur la variabilité dans ce cadre.

Ce sont les Clubs de race qui gèrent le standard et le font évoluer. Il y a un Club par race et il se trouve dans le pays d’origine de la race. Une fois les modifications faites, ils doivent faire valider le nouveau standard. En France, ils s’adressent à la Société Centrale Canine (SCC) qui détient le LOF. La SCC est membre de la Fédération Cynophile Internationale (FCI) qui regroupe 98 pays membres et qui homologue les races au niveau international. Aujourd’hui il y a 349 races, chaque race étant la propriété d’un pays. Seules les races d’origine française peuvent être homologuées en France (nous en avons 55 et elles sont essentiellement pour la chasse). La FCI valide aussi les résultats des épreuves de concours.

 

Alors comment arrive-t-on à des problématiques d’hypertype malgré la présence d’un standard? C’est tout une histoire d’interprétation par les juges et par les éleveurs qui frôlent avec les limites de l’excessif (voir le schéma en haut d’article).

Pour pallier à cette tendance, la FCI a rajouté dans ses standards une liste de défauts physiques ou comportementaux clairement définis qui entrainent la disqualification systématique du chien. Espérons qu’ils seront des gardes-fous suffisamment efficaces contre l’hypertype.

Les Clubs suédois et néerlandais ont élaboré en 2010 un document regroupant les facteurs de risque spécifiques pour chaque race, le BSI Breed Specific Instructions. Il est destiné aux juges d’exposition canine pour les aider à déceler un chien hypertypé et ne pas le récompenser. Le document passe aussi en revue les conditions physiques et comportementales requises pour tous les chiens, quelle que soit la race.

Ce document est basé sur le principe que « les chiens doivent être aptes à remplir leurs fonctions d’origine tout le temps ». La Société Centrale Canine (SCC) a repris le document en français pour qu’il soit transmis aux juges. Il s’agit du Guide des bonnes pratiques.

Voici la liste des systèmes anatomiques concernés :

  • DYSHARMONIE ET CONSTRUCTION : c’est-à-dire la capacité de déplacement
  • RESPIRATION : la capacité et la qualité de respiration
  • DENTS : qualité des dents et des mâchoires, et leur agencement
  • YEUX ET PAUPIÈRES : axés sur la taille et le confort, sans irritations, inflammations ou déformations
  • PEAU : qualité, santé de la peau et sans exagération qui peut impacter le nez ou les yeux.
  • POIL : pas encombrant pour la vue ou le mouvement
  • PRÉSENTATION DU CHIEN : en laisse libre. Pas d’utilisation excessive de maquillage durant les concours.
  • OBÉSITÉ/SURPOIDS : ne pas pouvoir le qualifier d’« excellent »
  • TEMPÉRAMENT ET COMPORTEMENT : bon tempérament, éviter ou disqualifier lorsque le chien présente trop de timidité, trop de vivacité ou trop d’agressivité.
Trop de plis provoquent de nombreux problèmes de peau

Trop de plis provoquent de nombreux problèmes de peau qui peuvent être douloureux (photo : Cuatrocolumnas, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons)

Une autre piste qui ressort est d’inclure dans la définition du standard les aptitudes de la race même pour les chiens de la catégorie 9 Chiens d’agrément et de compagnie, et non juste de le décrire selon des critères purement morphologiques. Si le chien  n’est pas apte physiquement, il ne pourrait ainsi pas être récompensé et sa reproduction encouragée.

Comme évoqué plus haut, certains proposent de considérer l’hypertype comme un manque de type, au même titre que l’est l’hyptotype. Le chien hypertypé, étant trop éloigné du chien standard idéal, il devrait être exclus de la confirmation.

D’autres, comme R. Trinquet cité plus haut, veulent « supprimer les hypertypes en supprimant leur cause, à savoir les expositions canines ». Mais vu l’engouement croissant du public pour les chiens de race et les expositions canines, ce ne serait probablement pas très populaire.

D’autre part, les juges sont notamment formés à la génétique, la physiologie et aux techniques de jugement, en plus de leurs connaissances des standards. Mais la formation doit être continue et les informations doivent remonter jusqu’à l’éleveur.

L’hypertype n’est pas limité aux exagérations physiques. Il y a aussi l’hypertype comportemental, dont l’effet sur le bien-être mental du chien, n’a pas encore été très documenté.

Le Border Collie est caractérisé par sa tendance hyperactive

Le Border Collie est caractérisé par sa tendance hyperactive

Par exemple certains Border Collies ont tellement été sélectionnés pour pouvoir fixer du regard le troupeau sans bouger, que s’ils ne « travaillent » pas (ils ne gardent pas le troupeau), ils se retrouvent à fixer le mur. Ils auront aussi tendance à « travailler » par excitabilité et deviennent des races hyperactives (de même pour les Bergers Belges Malinois). Imaginez ces chiens en appartement…

D’autres qui ont été croisés (épagneul Cavalier King Charles ou le Norfolk Terrier par exemple) pour garder des traits juvéniles se retrouvent avec des comportements juvéniles permanents ce qui les rend particulièrement dépendants de leur humain.

Les éleveurs

Comme nous l’avons vu juste au-dessus, les informations doivent remonter jusqu’à l’éleveur pour qu’il puisse prendre en compte les considérations.

Notons quelques initiatives intéressantes qui sont déjà pratiquées. En Allemagne, ils incluent dans le pédigrée (la généalogie) de la race des Bergers allemands des informations sur la santé et les performance du chien, de ses ancêtres et de ses frères et soeurs. (NEVEUX, 2008)

En France, une fédération L’Alliance française canine propose un programme très ambitieux basé sur :

  • la préservation de la variabilité génétique : en augmentant le pool de reproducteurs (plus de « retrempage » et moins de « consaguinité ») et en jugeant les chiens ensemble par rapport au standard et non entre eux. Il n’y aurait plus de champion.
  • la transparence de la généalogie par la mise en place d’une base de données.
  • l’intégration de la santé physique et mentale et fonctionnelle du chien en produisant un fichier médical établi par un vétérinaire spécialisé qui pourrait conseiller sur le choix de l’étalon.
  • la labellisation des élevages : limiter la taille de l’élevage, limiter le nombre de portée pour les femelles reproductrices, intégrer la satisfaction des propriétaires, etc.
Le retrempage est l’utilisation ponctuelle d’un mâle d’une race différente pendant une génération afin de remettre de la diversité génétique dans la race donnée.

Ce que je ne sais pas c’est si cette fédération perdure car leur site ne semble pas très actif depuis sa création en 2016 (peu de mises à jour). Mais leur mission vaut la peine d’être connue.

Une des problématique de l'hypertype du chien est celle des yeux (entropion, ectopion, conjonctivite chronique, etc.)

Une des problématiques de l’hypertype du chien affecte les yeux. Elle est courante chez le basset et d’autres races comme le Saint Bernard.

Les vétérinaires

En 2018, l’Académie Vétérinaire de France a émis un avis sur la nécessité de renforcer la prévention et la lutte contre les « hypertypes » canins. Elle assimile les pathologies engendrées par les hypertypes à des « maltraitances programmées ». Dans cet avis, elle propose également des recommandations à toute la filière cynophile et elle appelle les vétérinaires à réagir.

Elle souhaite que les vétérinaires soient plus impliqués et sollicités par les différents acteurs du monde cynophile pour agir à tous les niveaux et prévenir la dérive vers l’hypertype et pour sensibiliser toute la filière ainsi que le public.

Elle recommande aux vétérinaires de mettre en place une base de données qui recense les cas de pathologies observés en consultations et les traitements qui ont été utilisés, comme par exemple les chirurgies correctives ou les césariennes suite à une dystocie (Les chiens, comme les chihuahuas par exemple ne peuvent plus accoucher naturellement car la tête du chiot est trop grosse).

2 objectifs : pouvoir faire remonter l’information vers les clubs de race ou la SCC, et conseiller la stérilisation des sujets hypertypés qui présentent des pathologies aux éleveurs et aux particuliers.

L’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC) a lancé une campagne de sensibilisation contre les animaux hypertypés intitulée « Souffrir pour plaire, non merci! ». Voici ci-dessous le flyer qui dénonce les souffrances des individus hypertypés. Vous pouvez télécharger le flyer ici ou sur leur site pour l’imprimer et l’afficher.

Affiche de L'AFVAC, une association de vétérinaires, sur les hypertypes du chien et autres animaux

Affiche de L’AFVAC, une association de vétérinaires, sur les hypertypes (à faire circuler)

L’association insiste sur le fait que ces prédispositions « entraînent des traitements médicaux à vie ou des corrections chirurgicales parfois complexes ».

D’autre part, on peut voir que le sujet des hypertypes chez le chien est central par le nombre de thèses récentes  et le nombre d’articles scientifiques abordant cette thématique. Voir en bas d’article pour la liste.

Attention les assurances santé ne prennent pas toujours en charge les traitements et procédures chirurgicales liés aux maladies héréditaires. Vérifiez bien les exclusions.

L’AFVAC explique que « Le préjudice subi, la répétition des dépenses médicales ou chirurgicales tant programmées qu’imprévues, sont des charges difficilement supportables ». C’est une considération importante à prendre en compte pour éviter d’avoir à abandonner son animal dans un refuge pour ces raisons.

 

Notre rôle

Le phénomène de normalisation

J’ai trouvé une étude anglaise de 2019 scientifique étonnante sur la perception de la santé des chiens brachycéphales par leurs propriétaires de bouledogues français, anglais, ou carlin . Elle n’est d’ailleurs pas unique et certaines sont plus anciennes (2017-18). Si vous êtes intéressé.e par le sujet, voici le lien vers la thèse vétérinaire d’Amélie Cazorla qui traite du sujet en français.

D’abord les cotés positifs. Les gens qui aiment les races brachycéphales, au moins dans l’étude, sont jeunes. Les ont-elles trouvé « craquantes »  en les voyant dans les médias? C’est une possibilité évoquée. Mais ils se concordent à dire qu’ils les trouvent très mignons, avec pour le carlin surtout, leur faciès de « bébé » éternels. Les propriétaires ont établi un lien fort avec leur toutou brachycéphale car ils le perçoivent comme le chien idéal pour une famille sans enfants ou avec des enfants en bas âge. Enfin, comme ces chiens demandent peu d’exercice, ils sont parfaits pour la vie en appartement.

Il existe une autre raison pour laquelle les races brachycéphales sont toujours en vogue malgré les efforts engagés par les filières cynophile et vétérinaire. Il s’agit du phénomène de normalisation. Les propriétaires savent que ces races ont des difficultés pour respirer, du coup ils considèrent cela normal pour la race. Ils vont avoir tendance à sous-estimer ces difficultés chez leur chien et ne consulter le vétérinaire que lorsque la sévérité des symptômes les y oblige pour cette problématique particulière.

Dans l’étude, ils sont 70,9%  à évaluer la santé de leur chien comme ayant « la meilleure santé possible » (30%) ou ayant « une très bonne santé » (40,9%) alors que ces chiens qui étaient encore tous jeunes (l’age moyen était de 2,17 ans et tous avaient moins de 5 ans) présentaient déjà des problématiques de santé.

Par exemple, 40% des chiens de l’étude présentaient des troubles respiratoires mais seulement 17,9% des propriétaires en étaient conscients.

Le syndrome brachycéphale qui affecte les voies respiratoires des races de chien brachycéphales peut se manifester par les signes suivants :

  • Troubles de la respiration : Si le chien emet un ronflement quand il respire, il est géné à chaque respiration.
  • Troubles de la thermorégulation : Du fait de leur museau rétréci, ces races de chien peuvent moins bien respirer et réguler leur température interne lorsqu’il fait chaud ou lors d’exercices même légers. Certains tombent en syncope lorsqu’il fait trop chaud. Pour tout savoir sur la thermorégulation, voici l’article sur la sensibilité au coup de chaleur.
  • Troubles du sommeil : ronflements, apnée. Si votre chien dort avec un jouet dans la gueule ou qu’il dort « assis », ce n’est pas mignon, c’est pour pouvoir respirer.
  • Troubles de l’alimentation : vomissements dus à des anomalies et/ou des inflammation du tube digestif.

Pour corriger ces problèmes et pour que le chien puisse respirer et manger normalement, il faut parfois avoir recours à la chirurgie.

En plus des problèmes respiratoires, certaines races brachycéphales souffrent également d’allergie ou d’infection de la peau (dues au plis cutanés) et/ou d’ulcération oculaires.

Toutes ces manifestations cliniques ne sont pas « normales », elles auraient pu être évitées.

Toutes ces souffrances peuvent être évitées.

 

Ce n’est donc pas évident, car ce processus de normalisation est un acte inconscient : Comment posséder et aimer un individu d’une race dont les problèmes de santé sont bien connus au niveau de la race? En se convaincant que son chien a une meilleure santé que celle de sa race.

D’ailleurs une fois que les problématiques de santé étaient reconnues, alors ces propriétaires en devenaient plus conscients et leur évaluation de la santé de leur chien devenait plus en adéquation avec la réalité.

Les races brachycéphales présentent de nombreuses problématiques dues à leur caractère hypertypé

Les races brachycéphales présentent de nombreuses problématiques dues à leur morphologie hypertypée.

 

Simon Wolfensohn, vétérinaire anglais, a défini trois catégories de propriétaires de chiens :

  • ceux qui les considèrent comme de simples animaux de compagnie ou de travail,
  • ceux qui les considèrent comme un symbole de statut social, et
  • ceux qui les substituent à un enfant.

D’après lui, ce sont surtout les deux dernières catégories de personnes qui sont responsables de l’apparition de caractéristiques morphologiques extrêmes chez le chien de race. (cf son article what we do to dogs dans la revue New Scientist de 1981)

L’influence des médias

Les médias et les réseaux sociaux créent les modes. Il suffit d’une star qui pose avec son chien ou un influenceur qui se filme avec son animal pour que le public veuille le même chien. Mais les médias suivent aussi les modes car du coup tout le monde veut le même chien, en mieux, et les réseaux sociaux relaient les millions de photos et autres comptes instagram relatant les moindres faits et gestes de leur toutou adoré, le tout à l’échelle planétaire.

Il y aura toujours une mode pour les races de chien basée sur leur look. Comme pour toutes les modes, elles se succèderont les unes aux autres. Or l’histoire a montré qu’à chaque fois que la demande pour une race de chien augmente exponentiellement, alors les dérives apparaissent.

Selon une enquête publiée dans le Veterinary Record en 2017, 57% des acheteurs d’animaux de compagnie (surtout les chiens) achètent leur futur compagnon sur internet, influencés par les réseaux sociaux, et leurs critères ne sont pas basés sur le bien-être mais sur l’image que renvoie l’animal. Dans une autre enquète réalisée par la British Vetenarian Association (BVA), 75% des acquéreurs ignorent d’ailleurs la problématique des hypertypes au moment de l’achat.

Nous avons une responsabilité envers ces êtres vivants qui vont devenir nos compagnons de vie : celle de leur bien-être physique et mental. Nous sommes les défenseurs de nos animaux.

Quand une race de chien vous intéresse, regardez si elle convient à votre famille, à votre mode de vie et étudiez la santé de la race avant de l’acheter. Le vétérinaire peut vous conseiller.

Si vous achetez par internet, cela comporte également des risques car il est difficile de vérifier la qualité de la filière. Le marché est lucratif, il attire des personnages peu scrupuleux du bien-être animal.

En conclusion

La problématique de l’hypertype chez le chien est une invention humaine. Elle est considérée par l’Académie Vétérinaire de France comme de la « maltraitance différée » en raison des souffrances qu’elle provoque dans certaines races.

Bien que Nous, public (futurs et déjà propriétaires de chien), ne soyons qu’un maillon dans la lutte contre l’hypertype du chien, nous avons un rôle primordial à jouer pour exiger que la santé et le bien-être de nos compagnons de vie retournent au centre du processus de sélection pour les chiens de race.

Dans le modèle économique de la loi de l’offre et la demande, nous représentons la demande dans le marché des animaux de compagnie. Restons vigilants et cessons d’adhérer aux effets de mode excessifs qui impacte la santé de nos loulous. Soyons leur porte-parole, nous leur devons bien cela, eux qui nous aiment inconditionnellement.

Soyons les porte-paroles de nos chiens

Soyons les porte-paroles de nos chiens.

Pour aller plus loin…

La vidéo ci-dessous est en anglais mais elle parle par la comparaison des photos de races il y a 100 ans avec les mêmes races aujourd’hui. Cela vous donne une idée précise de l’évolution des races et de la problématique de l’hypertype du chien.

Voici la liste de plusieurs articles scientifiques et thèses qui ont retenu mon attention et sur lesquelles j’ai basé cet article (en plus de ceux listés en cours d’article):

Un peu de génétique…

On fait souvent l’amalgame entre les « tares » ou maladies génétiques héréditaires propres à certaines races et les syndromes hypertypés. L’origine est la même : c’est l’utilisation de la consanguinité (croisement entre frère-sœur ou parent-enfant) en excès pour produire des individus remarquables.

Seulement les « tares » génétiques héréditaires apparaissent de façon brutale lorsque le male et la femelle transmettent tous les deux l’allèle pour cette tare. Dans la nature, du fait de la diversité génétique, la tare apparait rarement car l’allèle responsable est récessif, c’est à dire qu’il faut que les 2 parents aient tous les 2 l’allèle pour que la maladie s’exprime, et souvent morbide, donc non viable.

Alors que pour les pathologies hypertypées, l’évolution est progressive. Le morphotype, c’est à dire l’aspect du chien est régi par plusieurs gènes qui expriment des caractères quantitatifs, comme la longueur du nez, ou la taille du chien. Donc il faut plusieurs générations pour obtenir l’effet désiré (cela peut être relativement rapide quand même, 3-4 générations).

Mais du coup avec une longueur de nez plus courte s’ajoutent d’autres modifications physiques qui entrainent les pathologies que l’on connait chez les races brachycéphales par exemple.

Par exemple, chez le Berger allemand, 50% des chiens présentent une atrophie pancréatique juvénile qui est une maladie génétique héréditaire. Le Berger allemand hypertypé présente une forte angulation caudo-ventrale du bassin (arrière train affaissé), ce qui le prédispose à la dysplasie coxo-fémorale. Les pathologies peuvent s’accumuler…

Le berger allemand recherché pour son arrière train affaissé qui lui pose de nombreux problèmes de santé

Le berger allemand recherché pour son arrière train affaissé qui lui pose de nombreux problèmes de santé

Voilà qui achève cet article. J’espère qu’il vous donnera envie de faire passer l’information autour de vous sur les pathologies de l’hypertype. Il ne tient qu’à nous de les refuser pour nos chers loulous.

 

 

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